J’ai eu la chance de me rendre sur Bangka suite à l’invitation de l’Université Bangka Belitung, qui est notamment en charge du programme de conservation du Betta burdigala. Au programme de ce voyage, la visite des habitats des différentes espèces de Parosphromenus présentes sur l’île ainsi que l’habitat du Betta burdigala. J’ai effectué ce voyage avec ma femme, le deal étant de passer 2 jours pour explorer les poissons et 2 jours pour faire un peu de tourisme. Les deux journées furent bien chargées : 7 sites différents visités, un emploi du temps qui fait peur, de 7h30 à 22h le premier jour et de 8h à 21h le second, avec au moins 6 heures passées sur la route dans les deux cas. Initialement, une visite de leur breeding room était prévue, mais faute de temps (un arbre tombé sur la route nous a bloqués un bon moment, élaguer à la machette prend du temps), nous avons dû annuler cette visite lors de la deuxième journée de pêche. De plus, le second jour fut également pluvieux, ce qui a légèrement ralenti nos pérégrinations.

Je vais diviser mon aventure en différents posts/messages. Je pense faire un post par habitat/site de pêche.

Premier arrêt de la première journée : un habitat où l'on retrouve Parosphromenus deissneri, et apparemment la seule localité qui ne se trouve pas sur une plantation de palmiers à huile. Le site se trouve dans un sanctuaire pour oiseaux, qui avait à l’origine été créé à des fins touristiques et pédagogiques. Le site est abandonné depuis de nombreuses années, mais les vestiges du parc/centre restent visibles. La réserve est toujours protégée mais n’est plus ouverte au public (enfin, tout le monde peut y accéder, il n’y a pas de barrières). Le point d’eau principal semble avoir été construit/modifié par l’homme, mais de plus petites poches marécageuses persistent dans la forêt environnante.

Le fond est tourbeux/boueux et il est plus profond qu’il n’y paraît. À noter la présence très importante d’Utricularia dans l’eau.

P. deissneri semble être présent en quantité ; ils étaient faciles à trouver et il y avait des juvéniles. Voici une petite liste non exhaustive des espèces présentes (celles que nous avons trouvées) : P. deissneri, Betta edithae (en grand nombre), Betta chloropharynx, Nandus nebulosus, Sphaerichthys osphromenoides, Channa lucius et striata, Macrobrachium sp., Trigonopoma pauciperforatum, et Trigonopoma gracile.

Quelques photos de ce qu'ils restent du centre:

Le parc est fermé, mais le Batman veille. 

Le site se trouve dans une palmeraie relativement jeune, et le sol présente un couvert végétal assez dense, ce qui est rare dans la majorité des palmeraies. Nous ne sommes pas restés très longtemps, mais nous aurions sûrement pu trouver plus d'espèces sur ce site, comme par exemple Desmopuntius hexazona, ou même des channa. 

À noter, le courant qui était relativement important, l'eau clair et la présence importante d'utricularia (au même titre que l'habitat précédent). La route était à deux pas et vous pouvez surement remarquer la présence de déchets plastiques. 

Les Parosphromenus semblaient bien se plaire sur ce site, étant faciles à trouver, avec également la présence de juvéniles. Leur existence dans une palmeraie est en soi une bonne nouvelle. Les conditions peu dégradées, dues au couvert végétal et à l’apparente absence d’utilisation d’herbicides, semblent leur être favorables. Cependant, ces conditions sont loin d’être représentatives de la majorité des palmeraies. Vous le verrez dans le prochain épisode.

Quelques vidéos:

Nous n’avons trouvé que trois P. deissneri (deux mâles et une femelle), ainsi que d’autres espèces comme Channa lucius, Luciocephalus pulcher, Trigonopoma pauciperforatum, Trigonopoma gracile, Desmopuntius hexazona, Barbodes sp. (peut-être des jeunes sellifer), et pour le Betta, j’ai un doute 😅.

L’endroit est fortement dégradé, et vu la difficulté que nous avons eue à attraper des paros, ils ne doivent pas trop apprécier leur environnement. Malheureusement, ce site est assez représentatif de la majorité des habitats de l’île. Je dirais que 60-70 % de l’île est couvert par des palmeraies, 10-15 % de forêt maximum, et le reste par des mines d’étain ainsi que par les habitations humaines.

Et je ne sais pas si c’est aussi le cas là bas, mais j’ai le souvenir d’avoir visité une palmeraie -j’ai oublié où - dont le cœur  des troncs de palmiers qui n’étaient plus productifs étaient arrosés de pétrole, pour les achever, avant de les brûler.

Ce serait bien de proposer dans « photos » celles qui illustrent l’effet de la déforestation sur l’érosion des sols. On pourrait en mettre dans la partie statut IUCN / menaces ou dans les commentaires des fiches pour les espèces locales.

De mon côté, quand je serai rentrée, je proposerai une photo vue d’avion d’une palmeraie en forêt de Bornéo (si je ne l’ai pas déjà fait). J’ai aussi une embouchure de rivière où on voit les sédiments rouges se déverser.

Tu as raison, je pense que l’érosion du sol, ainsi que le manque de matière organique dans l’eau, sont deux des gros problèmes liés aux palmeraies, notamment pour les Parosphromenus, qui nécessitent une eau douce et acide.

Les mines d’étain semblent encore pires pour l’environnement que les palmeraies, il ne reste absolument rien après leur passage. Je n’ai pas pris de photos des mines, car je n'avais aucune raison de me rendre dans ces endroits, toutefois en survolant l’île, c’était assez choquant. Notamment dans le sud de l’île, où le Betta burdigala est présent. Je n’ai pas vu le processus d’extraction de mes propres yeux, mais je pense qu’ils utilisent de l’eau pour extraire l’étain, et tu te retrouves avec des mares bleu turquoise (très jolies vues de l’avion), mais sûrement catastrophiques pour la qualité de l’eau. Voici une photo d’une grande mine d’étain sur Bangka (la photo n’est pas de moi, et l’article duquel elle provient est intéressant).

Pour terminer sur une note positive, le post de demain vous montrera l’habitat le plus préservé que j’ai eu la chance de voir. Tout n’est pas rose, mais je pense que vous serez impressionnés. C’était pour moi une expérience extraordinaire.

C'était sûrement le plus bel endroit que nous avons vu durant ces deux jours. L'expérience était vraiment impressionnante. Le site est isolé, et son accès n'est pas aisé : environ une heure de route sur une piste de terre moyennement praticable. Malheureusement, une grande partie du trajet à été désolante à cause de la déforestation massive pour les plantations de palmiers.

Ce site appartient et est géré par une communauté locale. Pour y accéder, nous avons dû "payer" notre passage au leader local en offrant des produits comme de l'huile de cuisine, du riz et des snacks. L'UBB aidé par l'ONG Shoal travaille pour faire classer le site comme réserve naturelle au niveau national (entre autres).

L'habitat lui-même est un labyrinthe de canaux au cœur d'une forêt marécageuse, un lieu à couper le souffle. L’endroit est presque intact.

L’eau y est très sombre, et l’absence de lumière directe associée aux bruits ambiants (ou l’absence de bruit par moment) peut être intimidante. Les canaux sont profonds, atteignant presque 2 mètres à certains endroits. Les locaux nous ont assuré qu’il n’y avait pas de crocodiles dans le marais, ceux-ci préférant les zones plus ouvertes. Malgré tout, il est difficile de ne pas réfléchir à deux fois avant de plonger ses mains dans l’eau !

La pêche n’a pas été simple à cause de la profondeur. Nous nous sommes concentrés sur une zone peu profonde où la présence du Betta burdigala était avérée. Il est difficile d’estimer le nombre d’espèces présentes sur ce site, mais en plus du Betta burdigala (pas si simple à trouver), nous avons observé :

• Parosphromenus aff. bintan (en grande quantité),

• Betta edithae,

• Betta schalleri,

• Desmopuntius hexazona,

• Channa lucius,

• Plusieurs espèces de rasboras et d'autres barbus (dont j’ai oublié les noms),

• Des Caridina sp.,

• Et même un crabe (que j’ai relâché avant de prendre une photo).

Je n'ai pas fait autant de photos que je voulais des poissons, mon portable est resté sur la barge une bonne partie du temps. Côté végétation, il y avait de l’Utricularia, des Cryptocoryne bankanensis (en grande quantité et souvent en épiphyte par ailleurs), une espèce de Vallisneria, des mousses, de la Salvinia (qui n’a rien à faire ici), et sûrement bien d’autres plantes.

Nous avons finalement tous fini par nous baigner dans une partie profonde du canal. Flippant, mais drôle !

Je pense que pour ce site, il est important de regarder les vidéos pour ce rendre un peu mieux compte du truc.

Fantastique reportage, merci de partager ! Ce serait bien de pouvoir intégrer des vidéos aux fiches, par exemple dans la partie "environnement" . La vidéo "plus belle prise de vue" est en effet superbe, quel environnement sauvage. Pour les palmeraies, c'est sinistre de voir ces zones rasées. 

J'ai eu la même impression à Java, quand, durant des kilomètres et des kilomètres, on ne voyait que du teck, en rang d'oignon (et la guide précisant "c'est tout propre : régulièrement on met le feu pour brûler les broussailles")

Les pioupious ont l'air en pleine forme. Qu'est-ce que vous en faites après les avoir répertoriés? Vous les relâchez?

Pas de sangsues ?

PS : la dernière vidéo de la liste renvoie vers un lien mort

Bizarrement pas de sangsues, c'était une de mes craintes quand j'ai préparé le voyage (mauvaise expérience dans la jungle en Malaisie) et au final, il n'y en avait pas (ou peu).

Etrange, chez moi le lien marche même si je ne suis pas connecté et pour le coup j'ai vérifié deux fois que les vidéos ne soient pas privées.

C'est bon, j'ai pu voir la dernière vidéo en faisant un copier/coller de l'adresse. Le clic sur le lien n'ouvre qu'un https sans la suite, c'est pour ca. Superbes paysages.

Travonim pêchant:

En effet, c'est déprimant ces plantations monospécifiques en rang d'oignon. On dirait quand même que les rives sont plus ou moins fournies sur la 5ème photo. Mais bon, rien à voir avec la forêt primaire.

Ne sachant pas précisément où était Bangka, j'ai regardé sur le net. Sur wikipedia, on y met que la principale préoccupation était les mines d'étain, qui ne respectent pas la législation quand elles sont autorisées, en plus de celles illégales Rien sur les palmeraies, mais ce n'est pas mieux.

Il y a un article intéressant que j'avais trouvé en faisant des recherches sur les Rokots, à propos de la fragmentation des habitats qui pouvaient, si bien gérés, préserver quand même la biodiversité. En même temps, à Bornéo, il y a pas mal de montagnes, ce qui limite aussi les plantations avec coupes à blancs dans certains coins.

J'ai trouvé cet article qui parle de Bangka, de Croco et de mines d'étain, c'est assez intéressant (mais pas en accord avec les chiffres de mon précédent paragraphe).